Jacques Berthier


Dans les ateliers de musique d'église, il y a inévitablement quelqu'un pour demander : "Taizé, mais au juste, qui est ce compositeur ?"  Les chefs  d'ateliers expliquent alors que Taizé est un lieu, pas un compositeur, ajoutant que Taizé est une ville minuscule de Bourgogne en France, pas très loin  de Cluny, haut lieu de la réforme monastique médiévale.  La musique chantée à Taizé a, pour la plupart, été écrite par le compositeur parisien  Jacques Berthier. Certains vont jusqu'à dire que les mantras musicaux composés par Berthier pour la communauté de Taizé pourraient très bien être  la musique d'église la plus largement répandue dans le monde. Cette affirmation est basée sur les milliers de pèlerins qui viennent à Taizé et qui remmènent aux quatre coins du monde la musique chantée à Taizé. Berthier est le maître d'une telle  musique.

Berthier est né à Auxerre en Bourgogne en 1923 de parents musiciens et a grandi bercé par la Musique Sacrée. Son père, Paul, était compositeur et fut étudiant de  Vincent d'Indy à la Schola Cantorum ; il fonda en 1907 les célèbres « Petits Chanteurs à la Croix de Bois » dont l’abbé Maillet assurera la direction par la suite. Il fut maître de chapelle et organiste à la cathédrale d'Auxerre durant cinquante ans.

Au début, Jacques était étudiant avec ses parents.  Il a étudié le piano, l'orgue,  l'harmonie et la composition avec eux.  Bientôt, il a commencé à composer des mélodies et des morceaux instrumentaux. Lui-même prendra très vite la responsabilité de l’animation liturgique des offices de la cathédrale d'Auxerre. Il deviendra titulaire pendant 5 ans et sera ainsi le 6ème organiste de la Cathédrale depuis Louis XV.

Après la  guerre, il a entré à l'école de César Franck à Paris.  Là, il a étudié la composition avec Guy de  Lioncourt (le neveu de Vincent d'Indy) dont il a épousé la fille. Il a également étudié avec Edward  Souberbielle. Il côtoyé d'autres musiciens, dont compris le Père Joseph Gelineau. Ce dernier lui a demandé de composer pour ses psaumes.  En 1955, Berthier devait composer ses premiers travaux pour la Communauté de Taizé qui, à ce  moment-là, était composée de seulement vingt frères qui chantaient admirablement à quatre voix égales. Des liens étroits s’établissent aussi avec le Père Didier Rimaud, et de nombreuses oeuvres polyphoniques en seront le fruit.

En 1960, il prend la direction du secteur Disques aux Editions Fleurus. En 1961 il a été nommé organiste à  Saint-Ignace, l'église de Jésuite de Paris - une position qu'il a tenue jusqu'à sa mort.  Il a continué à composer et éditer, recevant des demandes de  diverses paroisses.  Les frères de Taizé l'ont approché de nouveau en 1975, lui demandant de composer des chants simples à l'usage des jeunes, venant chaque année en nombre croissant de toutes les régions du monde aux rassemblements de Taizé.  Peu à peu, pendant  presque vingt ans, un vaste répertoire de musique tout à fait nouvelle a été crée, se répandant de façon notoire comme "musique de Taizé".  Le concept de cette forme unique de chanson de congrégation a été développé par le défunt frère Robert, un des premiers membres de la communauté.  Il a recueilli et rédigé les textes, les a envoyés à Berthier avec des directives de mise en forme, et  l’expérience et la créativité extraordinaires de Berthier ont produit ce qui est peut-être la musique chrétienne contemporaine la plus largement chantée dans le monde.

Pendant une semaine en octobre 1983, l’éditeur de GIA Bob Batastini a participé avec  Jacques Berthier et frère Robert pour éditer et parfois pour composer la musique pour le deuxième volume de la « musique de Taizé ».  Le génie de Berthier était évident par la manière dont, avec une spontanéité soigneuse, il a vêtu chaque texte d’une mélodie éminemment gracieuse.  Le plus  impressionnant était sa capacité à sentir l'accent normal des mots des langues telles que l'anglais, qu'il n'a jamais parlé.  Jacques Berthier a composé la « musique de Taizé » pour des textes dans plus de vingt langues, atteignant toutes les parties du globe.

Pendant qu'il écrivait cette vaste oeuvre, Jacques Berthier a continué à composer pour les paroisses catholiques traditionnelles aussi bien que pour de grands rassemblements où l'assemblée joue un rôle important.  Il a composé des messes complètes pour les communautés monastiques, des collections de morceaux  instrumentaux liturgiques pour la flûte, le hautbois et l’orgue, ainsi que de plus grandes pièces sacrées en concert.  Son style (différent de la musique de Taizé) était très personnel et presque toujours inspirés des modes grégoriens.

Le 27 juin 1994, Berthier est mort à sa  maison à Paris. Pour son enterrement, qui a été célébré à Saint-Sulpice à Paris, il avait demandé qu'aucune de ses musiques ne soit chantée.
Quelqu’un a proposé que peut-être, il ait su quelque chose que la plupart d'entre nous échouaient à saisir…